METAPHORES

Publié le par LAURENCE NOYER

Tout ce qu'entendait, tout ce à quoi pensait Renard passait aussitôt par l'étamine. Un mot, une métaphore frappaient-ils son oreille ou traversaient-ils son esprit, au lieu de les accepter tels quels et de les laisser passer, Renard les arrêtait au passage, les examinait, et parfois en tirait l'idée d'une page.

Renard voit tomber la neige... Il pense d'abord aux images rituelles dont les autres se satisfont à bon marché: tapis ...manteau... linceul... et pour marquer son dégoût de ces oripeaux du style, il écrit: "La neige, qui suggère les comparaisons fades... couvre tout comme ... non!" Ayant marqué son refus d'écrire comme tout le monde, et de penser comme tout le monde, il se rappelle avoir écrit dans Les Cloportes une page sur la boule de neige. Il la cherche ... il la trouve...Voici une occasion de l'utiliser...Renard la lit: "Un gamin pétrissait..." Puis il commence à travailler sur cette page ancienne: " Dans la rue..., un gamin pétrit..." Le boulanger pétrit, le pâtissier aussi... La neige pourrait être un gâteau... Il y a des gâteau tout blanc... Elle ne tient pas longtemps...: " Un déjeuner de soleil: suivant la métaphore populaire... Et la page se compose suivant cette métaphore directrice: "Le gamin, petit pâtissier en gros, dédaigneux de fignoler son travail, n'ayant plus rien à faire, disparaît. Aussitôt, le soleil maladif et pâle, las de toujours monter sans jamais bouger de place, suce lentement, jusqu'à l'heure du coucher, lèche doucement l'informe gâteau de neige, comme une personne patraque grignote un morceau de sucre, du bout des dents, à petites reprises"

Léon Guichard. L'oeuvre et l'âme de Jules Renard

Publié dans style, Guichard

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