MONUMENT

Publié le par LAURENCE NOYER

Journal de la Nièvre, 5 octobre 1913, « à propos de l’inauguration du monument de Jules Renard » « Le journal de la Nièvre proteste violemment contre l’inauguration du buste à Chitry, qui ne sera qu’un prétexte pour les politiciens du cru (la ridicule et perpétuelle « défense laïque » fera tous les frais du discours ministériel). L’auteur défend la mémoire de la mère de Poil de Carotte ; l’Echo de Clamecy a qualifié de souffre-douleur Poil de Carotte ; « décidément, ce journaliste n’est ni tendre ni discret à l’égard de la mère de Poil de Carotte. Serait-ce, par hasard, qu’elle en aurait fait un martyr ? Nous ne le pensons pas. Tout au plus, aura-t-elle appliqué quelques calottes bien méritées sur les fesses de ce bambin qui aimait la saleté, paraît-il, et qui, d’ailleurs, révéla, plus tard, un tempérament chagrin, aigri, mécontent de tout, et fortement enclin à la moquerie. Aussi bien nous ne comprenons pas qu’une famille laisse ainsi poser des points d’interrogation sur la soi-disant dureté d’une mère, en permettant qu’on élève sur une place publique une œuvre qui fait certainement honneur au talent du sculpteur, mais non à la basse ingratitude de son héros. L’Echo de Clamecy avait déclaré que Jules Renard est là qui penche un front compatissant sur l’existence obscure des frères farouches : Front compatissant ! oh ! là, là !!! Quiconque a vu Jules Renard d’un peu près conviendra que son masque, peu commun d’ailleurs, ne reflétait pas précisément quelque chose de compatissant, mais plutôt quelque chose de dur. Il est vrai qu’il ne faut pas se fier aux apparences et l’ancien maire de Chitry n’a jamais avalé personne. Mais qu’on ne s’étonne pas si les frères non farouches de Chaumot et de Chitry, spectateurs résignés de la glorification bruyante d’un héros de la libre pensée, s’en retournent à leur pénible labeur, écœurés et en haussant les épaules, pour tant d’honneurs échafaudés sur leur dos. Ils penseront que c’est vraiment trop de tapage autour d’un homme qui a écrit des ordures et des moqueries. Ils penseront que son ironie n’avait rien de bien terrible, ni surtout de bien fin quand il leur serinait dans la verve d’un banquet rouge que le plus beau jour de sa vie était le jour du Quatorze-Juillet ; ils souriront de pitié quand ils songeront qu’il n’avait rien de mieux à offrir à un vénérable vieillard que l’assurance de ses sentiments républicains ; ils compatiront, eux, les simples, au sectarisme bête de celui qui affirmait un jour à une vieille à qui il donnait des tasses de café, que le bon Dieu ni la Providence ne pouvaient exister, puisque cette même Providence la laissait si malheureuse. Renard est un raté de la littérature et de la politique. Jules Renard, en fait de cœur compatissant, n’eut que le cœur vulgaire d’un radical-socialiste : volontiers il eut dit à un gêneur politique comme il essaye de dire à M. de Talon, maire de Chaumot : « ôte-toi de là que je m’y mette ! » Il eut le cœur de cette bande d’arrivistes qui ne font du bien aux gens que pour asseoir leur popularité, pour étancher leur soif d’honneurs, en faisant valser les écus nationaux. Car, enfin, qu’a.-t-il fait pour sa commune pour mériter de trôner sur la place publique ? A-t-il fait diminuer les impôts ? A-t-il fait empierrer nos chemins de desserte pour permettre aux cultivateurs d’aller plus facilement récolter leurs moissons ? A-t-il fait des embellissements chez nous ? A-t-il créé des œuvres de charité sociale ? non : il a soigné sa renommée : il a travaillé pour lui… »

Publié dans MONUMENT

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article