J.G

Publié le par LAURENCE NOYER

J.G : Le Temps, 9 octobre 1913 « Tristan le censeur » « L’éloquence française n’a pas chômé dimanche dernier. Ce sera une journée historique, une journée record. Jamais dans le court laps de temps qui se mesure entre une aurore et un crépuscule on avait prononcé un aussi grand nombre de discours. Ces harangues commémoratives, tenues dans la mélancolie d’un jour d’automne, devant l’austérité sereine de monuments à inaugurer, valent qu’on les médite parce qu’elles sont un sujet de fierté nationale. Elles font souvent plus et mieux connaître ceux qui les prononcent que les hommes qui en sont l’objet. Je n’irai pas réveiller les échos à peine assoupis de ces fêtes récentes. Mais je reviens volontiers à Chitry-les-Mines, au pied de la statue élevée à Jules Renard. Elle a été le témoin ou plutôt l’occasion d’une manifestation que je trouve importante. Tristan Bernard, que semblaient accaparer jusqu’ici d’autres occupations, s’est révélé moraliste, satirique militant et politicien de combat. Va-t-il monter sur le ring de la politique ? … De son vivant, Renard recevait ses intimes amis qui venait, nous apprend Tristan Bernard, régler chez lui leur conscience comme on allait jadis chez l’horloger pour régler sa montre. Sentaient-ils que leur conscience avait un peu d’avance ou de retard, ils se rendaient auprès du régulateur qui les rectifiait et les rassurait. Mais en réalité c’étaient des visites d’agrément. Elles ne répondaient pas à un besoin urgent, à une fin utilitaire. C’est qu’il s’agissait de « bulletins de l’observatoire », j’entends de consciences de précision qui n’accusaient pas d’appréciables écarts. Aussi la disparition de Renard ne se fait-elle pas sentir sur ces mécanismes éprouvés et poinçonnés. Ils marchent à leur régime parfaitement déterminé. Tristan, en veine de confidences, aurait pu ajouter qu’il venait aussi chez Renard pour régler sa politique. Ils avaient le même mouvement ; ils n’avaient pas à craindre le retard. Ils se plaisaient à mesurer leur avance, lorsqu’ils regardaient les « tocantes » de la plupart des bourgeois et même les cadrans officiels… « Etre républicain pour Jules Renard et quelques autres, c’est souhaiter activement et sans répit une liberté plus complète, une plus parfaite égalité, une fraternité toujours plus profonde et plus étendue »

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