LEGAULOIS

Publié le par LAURENCE NOYER

LEGAULOIS

S. : Le Gaulois, 6 octobre 1913 « Le Monument Jules Renard » « Hier, également, on a inauguré à Chitry-les- Mines, dans le Nivernais, un monument à l'écrivain français Jules Renard, l'auteur de Poil de Carotte, qui fut un des membres de l'Académie des Goncourt. L'œuvre, exécutée par le statuaire, Charles Pourquet, se compose d'une stèle rustique, que surmonte le buste en bronze de l'écrivain. Jules Renard a laissé des admirateurs fidèles de son œuvre littéraire, mais ses idées politiques et philosophiques ne sauraient être approuvées dans ce journal. La cérémonie a été présidée par M. Alfred Massé, ministre du commerce et de l'industrie. Après la remise du monument par: M. Leblond, président du comité, des discours ont été prononcés par MM. Tristan Bernard, au nom des amis de Jules Renard J.-H. Rosny aîné, représentant l'Académie des Goncourt et la Société des Gens de Lettres, Robert de Flers, président de la Société des auteurs dramatiques André Renard, député de la Nièvre, et M. Alfred Massé. Du discours de M. Robert de Fiers, nous citerons cette anecdote Je rencontrai un jour Jules Renard rue Saint- Lazare. Il regagnait son petit appartement de la rue du Rocher, où il disait qu'il faisait si bon et si fier travailler. Il me raconta qu'il sortait de chez un grand comédien auquel il avait, quelques semaines auparavant, remis un manuscrit. Oh vous savez, me dit d'un ton modeste Jules Renard, ce n'est rien, ce n'est qu'un petit dialogue. Mais tout de même ce grand comédien m'a dit une chose inadmissible. Laquelle ? Il m'a dit que c'était un petit dialogue. Je n'aime pas beaucoup ça. Voulez-vous me le donner ? Le Cercle des Escholiers le représentera dans son prochain spectacle. Ma foi, je veux bien, acquiesça Renard mais je vous préviens qu'en fin de compte ce n'est qu'un petit dialogue. Ce petit dialogue, c'était un chef-d’œuvre c'était Le Plaisir de rompre. Et maintenant, dis-je à Renard, il faut que vous choisissiez des comédiens. Ah vous croyez ? me répliqua-t-il, vous croyez que c'est indispensable ? C'est bien ennuyeux enfin, je m'en rapporte à vous. Le lendemain j'allai lire la pièce à Jeanne Granier, qui, d'enthousiasme, accepta de l'interpréter. Les répétitions furent charmantes. Renard était ravi. Il s'égayait et s'émerveillait de tout. Il avait mille petits étonnements très sincères et presque naïfs qu'il se divertissait à exagérer énormément. « Le théâtre, disait-il sans cesse, quelle drôle de chose Ah pour une drôle de chose, c'est une drôle de chose Et ces gens qui s'amusent à apprendre mon texte par cœur et qui s'imaginent qu'ils vont amuser les autres en le leur récitant et qu'ils vont exprimer tout ce que j'ai essayé de mettre là-dedans Ils sont bien gentils, mais tout de même ils ont un joli toupet » Et il riait Et il riait Et il était très content. La pièce, ajouta M. Robert de Flers, obtint un succès immense et nul ne songea, comme l'avait craint un instant Jules Renard, à la traiter de proverbe. Il estimait que si les proverbes sont la sagesse des nations, ils sont parfois la niaiserie du théâtre. On sut voir et on consentit à proclamer que Le Plaisir de rompre était une comédie profonde et humaine. »

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