RENARD

Publié le par LAURENCE NOYER

André Renard : 6 octobre 1913 ( extrait du discours pour l’inauguration du buste de Jules Renard à Chitry) « Vous savez que Jules Renard prit, pendant plusieurs années, une part active à nos luttes politiques et électorales, et puisque, en ce moment, dans ce banquet démocratique donné à l’occasion de l’inauguration du monument que la reconnaissance et l’admiration de ses concitoyens lui ont élevé, c’est principalement de questions politiques que nous avons à parler, il me sera bien permis de dire quelques mots de ce que pensait à ce sujet noter cher et illustre compatriote. Cette pensée, j’aurais craint de ne pas l’exprimer avec fidélité si ne n’en avais retrouvé l’écho fidèle dans la correspondance que nous avons échangée lors des élections de 1906… Il faut avant tout, m’écrivait-il, obtenir une victoire républicaine, et si, dans l’art, on doit rester d’une fermeté absolue, en politique, il est permis de faire des concessions lorsque les circonstances l’exigent. Cette concession, c’était son bulletin de vote qu’il me promettait, et je n’ai pas besoin de dire combien ce geste de sa part me touchait et me réconfortait. Il était en effet, comme le symbole de l’union parfaite qui régnait parmi nous, car je savais que l’amitié qui nous unissait eût été, à ses yeux, une raison insuffisante pour justifier son attitude. La très profonde et admirable probité qu’il apportait dans son art se retrouvait dans ses convictions, et, pour les faire non pas s’incliner mais simplement se résigner momentanément au silence, il fallait à sa raison un motif extrêmement puissant, comme celui de la défense républicaine, et surtout laïque, contre l’assaut toujours violent de la réaction cléricale. Il me disait donc : « Enracinons d’abord profondément la République dans notre terroir ; plus tard, nous y acclimaterons le socialisme. » Jules Renard inclinait, en effet, du côté du socialisme plutôt, je crois, par sentiment que par pure raison doctrinale. Il était infiniment plus préoccupé, heureusement d’ailleurs, de son art littéraire que de politique active, et le socialisme représentait plutôt pour lui un idéal de vérité et de justice que telle ou telle doctrine économique et sociale. Etre socialisme, pour lui, c’était simplement aspirer ardemment à un état toujours meilleur de la société, et si j’ose exprimer ainsi sa pensée, c’est que j’en ai retrouvé l’expression exacte dans une lettre qu’il m’exprimait au lendemain du premier tour de scrutin 1906, qui était favorable au parti républicain : « Bravo, disait-il, la victoire me paraît maintenant inévitable, mais vive le socialisme, c’est-à-dire le progrès rapide, quotidien et indéfini ! » Voilà, certes, une belle formule, et quel est le républicain sincère qui ne s’y rallierait ? C’est bien, en somme, la doctrine de notre parti… »

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