DEFLERS

Publié le par LAURENCE NOYER

Robert de Flers : Le Gaulois, 13 juin 1921 « La semaine dramatique » « Et j'avais l'honneur de mettre en scène une pièce Charité, trois actes de Lucien Gleize, une satire juste et profonde et un chef-d'œuvre, Le Plaisir de rompre, de Jules Renard, qui eut la chance inespérée d'être joué par l'admirable Jeanne Granier et l'excellent comédien Henri Mayer.
Je me rappelle, avec un plaisir attristé, car qui aurait pu prévoir que Jules Renard nous quitterait si vite? Les répétitions, qui furent charmantes. Renard était ravi. Il avait mille petits,
étonnements très sincères et presque naïfs, qu'il se divertissait à exagérer énormément. « Le théâtre, disait-il sans cesse; quelle drôle de chose. Ah pour une drôle de chose, c'est une drôle de chose Et ces gens qui s'amusent à apprendre mon texte par cœur et qui
s'imaginent qu'ils vont amuser les autres en le leur récitant, et qu'ils vont exprimer tout cet que j'ai essayé de mettre là-dedans. Ils sont bien gentils, mais, tout de même, ils ont un joli toupet » Et il riait! Et il riait! Et il était très content Un seul incident. Jeanne Granier demanda une modification, fort légère à vrai dire. Dans la pièce; Blanche dit à Maurice que la fleuriste enverra chaque matin, à sa fiancée, un bouquet de quatre francs. Jeanne Granier fit observer que l'on ne pouvait, pour ce prix, avoir quelque chose de décent, et qu'il n'était pas convenable d'envoyer à une femme un bouquet de quatre francs. Jules Renard, un peu pincé, lui répondit : « Eh bien, vous verrez ça le jour de la première » Et elle vit, en effet; les fleurs, du reste, étaient ravissantes. Elle envoya sur l'heure un petit billet à l'auteur « Merci. mais votre fleuriste mourra sur la paille. Jules Renard tint compte de cette observation. Il ne voulut point qu'à cause de lui une fleuriste pût faire faillite. Et j'ai remarqué, ces jours derniers, en relisant Le Plaisir de rompre, que le bouquet quotidien de Maurice était
maintenant un bouquet de dix francs. La pièce obtint un succès immense, et nul ne songea, comme l'avait craint un instant Jules Renard, à la traiter de proverbe. Il estimait que si les proverbes sont la sagesse des nations, ils sont parfois la niaiserie du théâtre. On sut voir et on consentit à proclamer que Le Plaisir de rompre était une comédie profonde et humaine, Le retentissement de ce petit acte si grand fut considérable. Jules Renard exultait. Il disait
« Cyrano et Le Plaisir de rompre la même année. C'est trop. C'est trop. » Ce n'était là de sa part qu'une boutade, car il ne cessa de témoigner à Edmond Rostand des sentiments d'admiration et d'amitié, mais une boutade à laquelle il tenait et qu'il renouvelait en
adressant à Jean Coquelin, l'interprète du pâtissier Ragueneau, l'ami des poètes la brochure du Plaisir de rompre, embellie de cett
e dédicace »

Publié dans Plaisir de Rompre

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