SILENCE

Publié le par LAURENCE NOYER

Nous voyons combien le silence est un mode de vie chez Jules Renard. Impressionné sans doute dans sa jeunesse par le mutisme de ses parents, il a transposé avec acuité cet état de fait dans ses écrits. Dans les Cloportes, on trouve ces mots significatifs: "Monsieur Lérin ne lui parlait pas mais madame Lérin lui disait tout" . On constate aussi combien le silence est révélateur d'une façon de vivre: " Tout ça dit madame Lérin après un long silence pendant lequel elle compte ce qui lui reste encore de pipes en sucre au buffet" On ne parle pas chez les Lérins quand on est occupé à "des choses sérieuses" comme aurait dit le Petit Prince de Saint Exupéry. C'est surtout le silence sur le comportement de tous les membres de la famille qu'il faut souligner. "Le père se réfugiait dans le silence pour ne plus en sortir" . Le silence comme refuge est une nouvelle notion, très forte, très vive, qui exprime vraiment un comportement. Monsieur Lérin va même encore plus loin encore: "si une lettre reçue s'adressait un peu à toute la famille, Monsieur Lérin la déposait sur la table, sans un mot" L'on voit le coté pernicieux du silence qui annihile toute communication verbale et qui peut aussi se traduire parfois par certains excès. "Le mutisme de son père pouvait éclater quelque jour sous la poussée d'une violente colère". La parole en effet, si elle nourrit les propos coléreux peut aussi être un antidote à la colère. Celui qui ne s'exprime pas, qui médite, qui rumine, peut parfois sortir de son mutisme de façon brutale. Le silence - lorsqu'il est exagéré et devient un mode de vie - est générateur d'une certaine dislocation sociale.

Extrait de "La vie brisée de Jules Renard" de Julien Molard

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