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Publié le par LAURENCE NOYER

Baragnon : L’univers : 23 mai 1910, mort de Jules Renard « On annonce la mort de M. Jules Renard, homme de lettres s’il en fut, aussi remarquable de déformation professionnelle que les Goncourt eux-mêmes, mais qui avait étudié sous de meilleurs maîtres, qui savait choisir, écrire, sinon composer, inhabile à dresser un livre, curieux et savant dans le détail comme un artiste japonais. Il s’est avec complaisance décrit sous le nom d’Eloi […] Au physique, M. Jules Renard était en tout point l’homme de ses écrits. Figure de buis jauni, laide, taillée à grands traits paysans, mais nullement vulgaire et que deux yeux en vrille trouaient d’une flamme méphistophélique. Ajoutez un sourire sans lèvres, des manières lentes et cérémonieuses. L’ensemble ne laissait pas de paraitre inquiétant. Après avoir, comme tout le monde, battu les buissons et cherché sa voie, M. Jules Renard était arrivé à la notoriété avec l’Ecornifleur, à la célébrité avec Poil de Carotte. Ce sont de mauvais livres au sens des critiques pour qui la responsabilité morale de l’écrivain existe encore. La Bigote , que l’Univers analysa l’automne dernier se réclame du même pessimisme, aggravée d’ une haine irréligieuse fort ignorante des problèmes qu’elle soulève et passablement niaise dans son expression. Un homme de tant d’esprit, pour avoir pensé comme M. Homais , écrire à la fin comme c’est apothicaire ! C’est bien fait ! Pour nous dédommager, nous relirons les Histoire Naturelles. Le don d’observation de l’auteur y a fait merveille et , malgré un reste d’amertume, La Fontaine aurait goûté ces amusants petits tableaux. Si un livre de M. Jules Renard a chance de survivre, ce sera celui-là. Au reste, ce laborieux écrivain eut trop peu d’idées et de qualité trop basse pour exercer une influence durable sur la littérature de l’avenir. Exalté, pour les raisons que l’on devine, par la coterie de l’acacia et de la synagogue, il ne sera plus recherché dans quelques années que des vrais lettrés. Ceux-ci oublieront le politicien ou le pamphlétaire, le maire de Chitry-les-Mines, le décoré de M. Combes et même le membre de l’Académie Goncourt. Ils rendront toujours justice à l’excellent ouvrier qui ne respecta peut-être au monde qu’une chose : sa langue, c’est-à-dire, son outil. »

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