Léon Guichard : Avant-propos :« Exposition dans le foyer de la Comédie Française » 1965

Publié le par LAURENCE NOYER

« Cette exposition vient après son heure. Son heure, son heure ‘’exacte’’, puisqu’il s’agissait dans notre esprit de célébrer le centième anniversaire de la naissance de Jules Renard, c’eût été le 22 février 1964, à 9 heures du matin. Ainsi notre manifestation eût pris place parmi celles qui ont pu avoir lieu en France sous différentes formes : émissions radiophoniques ou télévisées, articles, conférences, discours, représentations de Poil de Carotte à Strasbourg par la Comédie de l’Est, etc… Elles n’ont d’ailleurs par eu tout l’éclat qu’on pouvait souhaiter. Cette discrétion relative tient, je pense, en grande partie, à ce qu’on avait déjà célébrer, en 1960, je me demande pourquoi, le cinquantième anniversaire de la mort de l’écrivain. On avait alors restauré et inauguré solennellement le monument élevé à Jules Renard sur la petite place de Chitry-les-Mines. On avait donné son nom au Lycée de Nevers, dont il suivit les cours. On avait apposé une plaque sur la maison qui avait été la sienne à Paris, 44 rue du Rocher, près de la gare Saint Lazare. Le tout à grand renfort de discours. Enfin, la Comédie Française avait tenu, le dimanche 12 juin 1960, à consacrer à l’auteur dramatique, dont quatre pièces figurent à son répertoire, une soirée entière, et une petite exposition au Foyer. Un hommage d’André Billy, de l’Académie Goncourt, avait été lu, après le premier entracte, par M. Henri Rollan. Et l’on avait représenté successivement Poil de Carotte, dont c’était la 330ème représentation à la Comédie Française, le Plaisir de rompre, pour la 130ème fois et  Le Pain de ménage pour la 170ème fois. On ne pouvait pas recommencer. Deux anniversaires en quatre ans ! ‘’décidément, aurait-on dit, cet humoriste exagère’’ mais qu’importe ? Comme l’écrivait un jour Tristan Bernard, ‘’Jules Renard a le temps d’attendre’’ Il a le temps parce qu’il est toujours vivant ; un mort n’est tout-à-fait mort que quand personne ne pense plus à lui. Un écrivain n’est vraiment mort que lorsque nul ne le lit plus. Or, on lit toujours Jules Renard, on joue ses pièces, on réimprime ses œuvres, en éditions courantes, en éditions de luxe ou en livres de poche, on les traduit jusqu’au Japon, on publie sur lui des travaux, jusqu’en Pologne. Il a ses fervents admirateurs, jusqu’aux Etats-Unis et en Espagne. Croit-on que dans cinquante ans – et même moins – ceux dont nous lisons aujourd’hui les romans ou les pièces seront encore lus, joués, réédités ? Le jugement porté par Thibaudet se vérifie : ‘’Jules Renard est un des plus grands écrivains de son temps, et comme Courteline, un des rares dont les oeuvres complètes tiendront peut-être en bloc’’. Ce sont eux en effet, qui sont les vrais héritiers de Molière. Ils sont devenus des classiques. De la vie et de l’œuvre de Renard, de la survie de l’écrivain, cette exposition veut être le témoignage. Jules Renard ne faisait pas de ‘’phrases’’. Cela me dispense d’en faire. Mais ce maître d’écrivain, ce ‘’fil à plomb’’, dit Jean Paulhan, avait conscience de sa valeur et enregistrait avec satisfaction les compliments et les éloges. C’est pourquoi, il n’est pas vain de lui rendre – pour posthume et tardif qu’il soit – cet hommage. »

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